mercredi 18 mai 2011

On a coupé le téléphone au tribunal !

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23/04/2011 vues | (lien) 

La justice AVEC avocat et SANS avocat, ça se discute.. 
Burlesque, on a coupé le téléphone au Tribunal pour non paiement, non ce n'est pas un gag! 




Le droit de travers à l'image de ces corons en déshérence (lien)

Oyez oyez, au tribunal d'instance, on a le droit de ne pas être représenté par un avocat.. même comme "demandeur"*, à condition que le litige n'excède pas 4000 E. On peut donc se défendre soi-même... ce qui souvent est mieux, notamment en province. 

Mais.. car il y a un mais, il faut savoir naviguer, les formules de requête doivent être adéquates. O le langage juridique ! Dire que l'on accuse les philosophes ou les médecins de jargonner! Exemple, quand un huissier se déplace, c'est un "exploit" (!) et ce n'est pas gratuit, quand il apporte la lettre au tribunal, il l' "enrôle", lorsqu'un avocat écrit, c'est toujours des "conclusions" et un jugement "sous la forme de référé" n'est pas la même chose qu'un "référé" etc.. Si vous vous trompez, vous êtes fichu. Par chance, les greffier/es sont là, toujours présent/es, eux/elles [car les juges changent tout le temps, ce qui complique, il faut expliquer, re et re.. et on peut s'énerver] et dans ce tribunal du moins, ils vous expliquent sans ménager leur temps. A saluer.

Voilà donc, après un parcours du combattant -presque-, enfin arrivé le jour J. du procès où on va vous rendre justice. Premier épisode : une salle surchauffée où les gens attendent, certains ne peuvent même pas s'asseoir (lien), le ballet des hommes en toge qui bavardent sans trop se gêner, du coup certains n'entendent pas l'appel de leur nom, c'est la confusion, "mais non je ne suis pas absent"... "mais vous n'avez pas répondu"...etc. Et c'est la litanie égrenée, infinie : affaire truc contre bip, REPORT; affaire chose contre bidule, REPORT... On n'entend rien, les avocats viennent auprès du juge, parlent à mi-voix avec elle et entre eux, ça défile. La petite juge a quelque chose comme une pile de 150 dossiers, il lui est impossible de faire mieux que de choisir les plus urgents... Un sur dix ? QUI sera élu? On ne sait donc on reste, priant le ciel d'être parmi les heureux.

Votre partie adverse, finaude, a bien sûr demandé le report... que la juge s'empresse d'accepter, c'est toujours ça gagné, on la comprend. Ça tombe pour le mois et demi-suivant. Une chance, c'aurait pu être pire. Encore un mois et demi donc. Ils ont choisi, eux, un avocat et on les comprend aussi, ils sont mal barrés. Attendre encore... Par parenthèse, votre compte est saisi pour une facture d'eau de 4000 E (lien) [pour deux mois (!)] correspondant à une maison que tout le monde reconnait que vous n'avez jamais habitée. Soit. Re arrive enfin le jour J' où justice va vous être rendue etc... Jour que vous attendez avec impatience depuis un an [car il y a eu plusieurs épisodes avant.] Note, parfois c'est pire, ça peut être 3 voire 4 reports ou plus. Ici nous en sommes seulement à 2 et le délai n'est pas très important entre chacun, il peut être de 3 mois ou plus dans d'autres tribunaux, ce qui porte le jugement à un an, encore n'est ce que la première instance car si votre partie averse fait appel, ça peut aller jusqu'à 2 ans. Pendant ce temps, vous êtes dans la mouise, ce qui vous rend plus difficile de lutter [le stress, les huissiers qui ne sont pas gratuits et les avocats car au tribunal d'appel, il vous en faudra un] tandis que les saisisseurs, eux, mènent leur petit train tranquille. Notons ce paradoxe en cas de vol par exemple ou d'escroquerie: le délinquant profite et s'aide de son forfait pour accabler la victime qu'il a éreintée et celle-ci, fragilisée ne peut se défendre à armes égales avec lui.. provisoirement mais bon.. Et la lenteur même de la justice reliée au manque de moyens ** accentue encore le phénomène.


LE CLASH

Notez que vous avez reçu les "conclusions" de votre partie adverse... la veille au soir, encore vous a-t-il fallu aller les chercher auprès de la police municipale... où, malchance, le policier municipal qui vous avait apporté la convoc était en congé l'après-midi et le seul qui se trouvait dans le bureau, aimable mais surchargé de paperasse savait pas où son collègue l'avait mise... puis, il avait fini par la trouver mais il avait fallu insister. Vous avez donc eu une nuit pour préparer vos "conclusions" (c'est à dire tout bêtement vos réponses à l'avocat) vous n'avez évidemment pas dormi [à cause du stress car ce n'est pas si compliqué]. Chose faite, vous êtes donc au tribunal et attendez. C'est un autre juge, d'un certain âge celui-là [la première était enceinte (?) et doit être en congé] et il a une centaine de dossiers, une paille. Arrive votre tour. Et c'est... le fatidique "report".

La nuit blanche, les propos désobligeants tenus brièvement à votre encontre par l'avocat, le juge qui s'exclame qu' "il n'y a pas d'urgence" puisque vous êtes déjà "saisie" [votre compte est prélevé], autrement dit, au point où vous en êtes, vous pouvez tenir encore deux mois de plus... ou DAVANTAGE ... ça monte en pression.

Vous lui tendez la convocation de votre partie adverse datée et même horodatée du matin même (!) il s'étonne, trouve en effet la démarche inacceptable et contraint le jeune avocat à en convenir, ce que celui-ci fait avec une certaine mauvaise grâce au bout de trois demande, comme si on lui arrachait les... mettons les oreilles. Puis il lui demande si le report lui convient, l'avocat acquiesce, mais souligne qu'il vient de loin et du coup le magistrat l'assure qu'il sera prévenu en cas d'impossibilité pour la prochaine fois (!) afin qu'il ne se dérange pas pour rien.. au cas où l'affaire serait encore renvoyée par lui en raison du trop grand nombre de cas ! Ceci sans un mot pour vous.

Et là, c'est le clash. Vous êtes déjà venue x fois, il y a le passif déjà lourd (lien)... et ce monsieur parce qu'avocat sera, lui, averti, et non vous! lui restera au chaud tandis que vous allez peut-être encore vous déplacer et attendre pour rien etc... Bref, vous vous emballez, soulignant la différence entre la manière dont il traite le justiciable AVEC et SANS avocat... et que la justice n'en sort pas grandie etc... Réponse du juge surchargé : "Allez voir votre député, je ne peux pas faire mieux". A quoi vous rétorquez: "Allez voir votre syndicat" et ça s'emballe, vous sortez tout, l'attente, l'injustice, votre compte saisi, les reports successifs (là, de deux mois et encore rien n'est sûr) qui profitent aux mieux lotis et découragent les pauvres, les mal dégourdis, les ignorants [c'est à dire à peu près tous et surtout les pigeons] d'ester etc.

Au stade où vous êtes, vous vous en fichez , tant pis si vous braquez qui détient votre sort entre ses mains, si vos propos dépassent votre pensée [mais ce n'est pas le cas] si vous le payerez peut-être plus tard, la locomotive est lancée sans freins, vous déballez tout, invoquez l'équité et la justice, tiens, il n'y a plus la Marianne avec sa balance, [le fait est]...
Et là, stupeur, c'est le juge qui s'explique : les restrictions effarantes de budget et de personnel, il a en charge des vacations dans des tribunaux éloignés pour remplacer des absents c'est à dire qu'il doit effectuer sans moyens le travail de deux collègues déjà trop lourd pour un seul plus les trajets, il n'a par exemple pas pu passer un fax hyper urgent à un tribunal... parce qu'on leur avait coupé le téléphone pour non paiement (!)...

Ça en devient burlesque, désopilant... Vous savez cela en effet dans les grandes lignes mais ces détails vous stupéfient comme tous, certains se suicident observez-vous (lien) et lui ajoute qu'il y en a encore eu un autre récemment, vous l'ignorez, apparemment, les suicides de juges ne font plus la une à présent, on compte même le papier et les stylos... Vous partez, en sanglots, il se montre navré et aimable... et vous lui répondez que ce n'est pas grave, c'est moins dramatique que d'autres cas ou par exemple Fukushima. Surréaliste. Il vous promet qu'il n'y aura plus de report la fois prochaine (promesse tenue). Un seul avocat a protesté, les autres n'ont pas bronché -mais il est vrai que le juge s'est in fine plus exprimé que vous.- Encore deux mois, deux mois, à qui cela profite-t-il? 

De fait, même si des juges tentent de le pallier au mieux, structurellement, la justice est faite pour les contrevenants ou délinquants et non pour les victimes. Eux n'en sont souvent pas à leur première, ils savent naviguer et de fait le bénéfice de leurs forfait pendant tout ce temps demeure. 

* Dans un procès, le demandeur est celui qui l'initie (on dit qui "assigne" l'autre) le défendeur, celui qui est assigné. 

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