vendredi 27 mai 2011

Une justice SANS MOYENS SUFFISANTS


Ce blog collige quatre articles du "post" ou "rue 89" sur la Justice, à partir de l'actualité (le suicide d'un jeune juge éreinté par sa charge de travail), les grèves des magistrats, les coupes claires de budget successives qui les réduisent à travailler avec des bouts de ficelles, mises en perspective avec une expérience personnelle (et d'autres relatées) en Province, dans la région sinistrée du Gard.. analysées à la lumière de son fonctionnement et dysfonctionnement parfois dramatique. Il ne fait pas bon être vieux, pauvre, isolé, sans appui, et habiter un lieu-dit non desservi. Et cependant deux de ces expériences finirent "bien", la troisième est en cours... c'est à dire que justice a tout de même été rendue et ça c'est un miracle. Mais à quel prix. Ce blog est corrélé à un autre qui lui est indissociable (lien) qui s'intéresse à la justice ailleurs (USA, Mexique..)
 
Par exemple, ce mur qui se décrochait sur un parking n'a tué personne, premier miracle, et ma maison qu'il soutenait, démolie, a été reconstruite aux frais de celui qui était responsable de sa démolition, le maire ou plus exactement son père. (Si on prend l'histoire point par point chronologiquement, c'est peu après que mon compte fut saisi.)

vendredi 20 mai 2011

Suicides de juges

10/02/2011 à 11h32  1217 vues | lien
Juges, profs, gendarmes, flics, employés de France télécom, ouvriers, criez, ne vous suicidez pas !

... parce que si vous vous suicidez, tout le monde s'en foutra... ou presque : 40000 lectures pour mon article sur Florence Cassez; 913 pour celui sur la mort d'un jeune juge à bout d'épuisement et de déception,  qui s'est couché sur la voie ferrée en attendant le train par un petit matin glauque de banlieue.

UN JUGE MÉJUGÉ

Excellent article d'Elsa Vigoureux dans le Nouvel Obs, plus qu'émouvant, sur le suicide d'un juge (et apparemment il n'est pas le seul). Le vulgum pecus ne se doutait pas vraiment de ce que vivent les magistrats, présentés au public comme des rocs inamovibles, un "corps" constitué ultra favorisé... comme le furent autrefois les profs (mais on sait depuis longtemps que ce n'est pas vrai car eux manifestent volontiers).. les magistrats qui, lorsque des couacs surviennent, sont jetés aux lions par le pouvoir même qui leur a savonné la planche, décriés en raison de leur "laxisme" (ce qu'il m'est arrivé de faire !)... couacs cependant annoncés, INCLUS dans  les coupes drastiques imposées à la Justice. Des magistrats entre marteau et table, fusibles (comme les profs) surchargés puis agonis lorsqu'ils faillent et s'effondrent. Dépression, médicaments.. qui ne résolvent rien et parfois agravent (!) Servier le medica-menteur pote à Koko le coupeur (lien) s'y retrouve certes mais...

 Je coupe, tu calmes, je casque OK ?

Les 3 C..  ou "rien ne se crée, rien ne se perd"

Ne pas pouvoir correctement effectuer son travail est la pire des blessures, humiliant, culpabilisant et se voir tacler ensuite justement pour cela enfonce encore plus dans le gouffre. C'est comme si on exigeait que vous couriez après qu'on vous ait entravé bras et jambes et qu'on vous fustigeait de ne pas avoir été aussi rapide que l'urgence l'imposait. (Le pire est lorsque la volée de bois provient d'un public désinformé de bonne foi.) En psy, ça s'appelle le "double bind" ou le double lien (on donne à quelqu'un deux ordres contradictoires du type "obéis-moi -si tu veux que je t'aime-, désobéis !") forme de torture psychologique raffinée qui génère très vite une belle maladie psychique médoc résistante* : le suicide est au bout, surtout si on a tout sacrifié petit à petit sans même s'en rendre compte, par la force des choses, à son beruf.  Plus de famille, d'amis, d'enfants : des dossiers. Et la mémoire encombrée de noms et de chiffres, de drames et de décisions à prendre, toutes également urgentes, les questions qui taraudent... et parfois une erreur. C'est à dire un mort ou plutôt une/des mortes. Normal dans le contexte. Une minute de silence. HL


* Une autre version du double bind est "tu es moche, stupide, sale etc... mais je t'aime" ou, encore, plus sioux "je te le dis pour que tu t'améliores parce que je t'aime" ou, encore encore plus sioux "tout le monde le pense mais personne n'ose te le dire parce qu'ils ne t'aiment pas comme moi." Il n'y a plus qu'à tendre un revolver. Un travailleur à qui on met des bâtons dans les roues et qu'on fustige ensuite parce qu'il n'a pas effectué sa tâche -pour qu'il s'améliore, en lui conservant son poste mais en le surveillant de près- subit à peu près cela. La suite est logique.

Le droit de travers

16/03/2011 à 23h57 3032 vues | lien

Plaideurs, avocats, huissiers, experts... Un monde à part 
La justice expliquée aux enfants ou le droit de travers

Une belle chose, la Justice! des magistrats parfois excellents et courageux (sans parler spécifiquement d'Eva), des greffiers idem, cela varie certes beaucoup mais bon... Et un dysfonctionnement ou plus exactement un fonctionnement sous forme de film à suspense éprouvant ou de labyrinthe qui paraît sans issue, palliable certes mais à quel prix. La justice ou pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Soit une petite ville de province aimable et ensoleillée où tout le monde se connaît, se salue, se sourit (mais différemment selon des classes castes)... et parfois médit, mais gentiment, ça va de soi. Soit des aventures abracadabrantesques qui vous tombent dessus, fréquent hélas si vous êtes un out sider ou quasiment, parti depuis longtemps et revenu de "peu", surtout si vous êtes femme et n'avez pas d'homme attitré sur place et en place... et refusez toutes les propositions qui affluent pour peu que vous ayiez deux yeux, un seul nez à peu près au milieu de la figure et des abatis plus ou moins en poste.  Et ça donne un procès qui, contrairement au poncif, vaut parfois mieux que des négociations usantes, vaines et longuettes, car dans cette ville le temps ne se mesure pas de la même manière qu'ailleurs (par exemple, "bientôt on va réparer les dégâts qu'on vous a causé" -une broutille, votre maison se démolit- peut vouloir dire "dans 20 ans ou jamais"; "rendez-vous à 2 heures" peut signifier "3, 4"... ou un lapin.) C'est ainsi, on s'y fait, la montagne est belle etc...

Mais là, ça se complique. En vrac :  l'avocat sympa que vous avez diligenté, (votre ami avocat se trouvant en vacances) se trouve être l'employé du frère de votre partie adverse, triple zut ! et de plus, à la veille du référé, il s'avère qu'il n'a pas lu le dossier, mais alors pas du tout, zéro. Vous le virez (gentiment) mais vous l'avez déjà payé, quadruple zut. Vous courrez chez un autre qui vous fait hautement comprendre qu'il est bien bon de vous recevoir au pied levé, ne vous écoute pas mais se fait tout de même payer d'avance (une partie) juste pour demander le report. Accepté, ouf. Vient enfin l'audience un mois après. Il vous convoque la veille (il n'a pas pris vos appels durant tout le temps ni apparemment lu vos courriels) alléluia, mais c'est pour se faire payer. Vous n'avez cependant pas perdu votre temps : sa secrétaire vous a photocopié (car il était en retard) le dossier que vous n'aviez jamais eu, il n'avait pas songé à vous le donner ni vous à l'exiger, forcément puisque vous ne l'avez pas vu.  Vous sortez donc et vous attablez à une terrasse en face pour lire et là, c'est comme dans "les experts", l'illumination, un élément fondamental inconnu vous saute aux yeux. Génial ! Avec ça, vous avez gagné. Vous foncez chez l'avocat pour le lui signaler (visiblement il ne l'a pas vu) et il vous reçoit très hard, "je n'ai pas que ça à faire" etc. Vous insistez tout de même, c'est pour demain matin, et lui indiquez la page de l'élément qu'il devra plaider, que vous cornez pour plus de sécurité. Il consent, il en parlera demain, promis juré (en vous escortant à la porte et vous poussant légèrement pour que vous dégagiez plus vite.)

... Sauf que le lendemain au tribunal, il n'est pas là. Angoisse. Le voilà enfin qui surgit avec une heure de retard, les yeux encore rouges. Perdu, il ne sait plus où il a mis sa sacoche, vous la lui indiquez etc. Audience. Une assez bonne plaidoirie courtissime mais il oublie l'élément fondamental. Vous le rajoutez oralement, il n'est pas trop content mais bon. Et en plein milieu d'un discours, il glisse quelque chose à son confrère de la partie adverse que vous ne comprenez pas (mais vous n'osez pas les couper) et poursuit fissa. C'est la juge qui interrompt . En fait, il s'est tout simplement entendu avec lui pour que vous payiez à demi les frais d'une expertise censée être dirigée contre vous ! Vous refusez évidemment; raté. Mais ça ne fait rien, tout baigne, les points essentiels sont gagnés, le reste n'est que détail et en plus l'expert à 3000 € (?) au bout de 2 mois (?) pond un rapport qui vous donne raison. Ouf. Puis un second, idem. Puis un troisième (que vous ne lisez même pas en entier, ça commence à bien faire)... dans lequel il a ajouté juste une petite phrase sournoise à la fin qui remet tout en question. Rapport inutilisable donc. Précision : il a été payé par votre partie adverse. Raquer si cher pour se faire aligner, il a dû y avoir des cris et chuchotements... mais 3000 € pour ne rien dire,  c'est dur. Au moins n'est-ce pas vous qui les avez déboursés.

Votre partie adverse réattaque sur un autre point. Là, c'est coton, vous devez vous défendre et pour cela hélas, même si un avocat n'est pas nécessaire (vous commencez à vous y connaître et vous y avez laissé déjà 3000 € pour RIEN OU PLUTÔT POUR DU PIRE) vous devez rédiger l'assignation et passer par un huissier (l'assignation est la lettre de convocation à la partie adverse.) Qu'à cela ne tienne, le net n'est pas fait pour les chiens et vous pondez un document à peu près convenable, aidée par le tribunal. Sauf que d'huissier, vous ne trouvez pas. Rien, zéro. L'un est en vacances, l'autre absent, la troisième a déjà été celle de votre partie adverse, la quatrième aussi (il semble qu'ils aient pas mal écumé!), un cabinet de groupe fonctionne avec un numéro surfacturé qui vous renvoie à un répondeur... lequel suavement vous annonce à 10 h droit dans ses bottes qu'il ne sera répondu aux appels que de 9 heures à midi etc... et le clou, c'est un qui vous renvoie à un numéro de portable, au bout duquel se trouve un clerc (?) gentil mais perdu qui vous fait perdre temps et argent. Certains vous disent carrément que dans la mesure où vous n'avez pas d'avocat, n'est-ce pas, ils ne peuvent "vous" prendre. Jour J moins 2, vous voilà quasiment forclos.

... Jusqu'à ce que, Dieu est grand, l'un accepte enfin, pas tout près mais baste. Il le fait aimablement, mais oublie de l'enrôler, ou il pense que c'est vous qui le ferez (enrôler veut dire l'apporter au tribunal) si bien que l'affaire, le lendemain, est reportée. Il faudra une autre assignation... qu'il prétend vous faire payer plein pot (100 €). Vous marchandez, il consent à vous en enlever 60, soit. Mais évidemment, lorsque vous le recontactez ensuite, il est absent. A nouveau, c'est le parcours du combattant mais là ça devient plus chaud car comptant sur lui, vous n'avez pas regardé vos mails de la journée et perdu le vendredi entier. A nouveau, personne ne veut se charger de votre affaire  ("sans avocat, comprenez-vous" etc)...  En désespoir de cause, sur les conseils d'un lointain ami juriste, vous appelez le président de la chambre des huissiers. Là, on vous raccroche d'abord au nez. Vous rappelez, et annoncez à la secrétaire raccrocheuse que vous allez devoir saisir le procureur de la carence des TOUS les huissiers territorialement compétents. C'est le sésame. Elle vous donne un bon numéro, vous vous expliquez... et un quart d'heure après, miracle, l'assignation est délivrée. (Peut-être l'eût-elle été de toutes manières, vous ne le saurez jamais et il ne faut tout de même pas désespérer de la nature humaine). Ce coup-ci, c'est 60 €, mystère de la tarification des "exploits", car lorsqu'un huissier se déplace, c'est un exploit, plus ou moins important si l'on en juge par le coût, sans doute relié à la longueur de ses jambes ou à sa vélocité.

Seulement il vous faut l'apporter vous-même au tribunal. Rien de grave, un coup de voiture (40 km) ... mais arrivée au tribunal (il est 15 heures, donc bien loin des 17 heures fatidiques) un planton rien moins qu'aimable vous dit "c'est fermé". L'affaire ne sera donc pas "enrôlée" pour la deuxième fois? Un troisième "exploit" à payer? Vous hésitez entre le suicide et le meurtre lorsqu'une greffière vous crie (car le cerbère vous bloque) derrière sa vitre "c'est pour quoi?"... "Un référé"... "Pour quand?"... "Demain"... Elle appelle sa collègue et vous pouvez enfin passer, donner votre dossier ouf.

Une question simple: les avocats semblent (je dis bien semblent) comme on dit "s'arranger" les uns les autres, ce qui leur économise (parfois) de lire les dossiers voire d'agir (ainsi une jeune avocate désireuse de se placer qui durant une audience n'ouvrit pas la bouche devant un confrère... qui quelque temps l'engagea dans son cabinet). Les huissiers "semblent" je dis bien semblent, vous pousser à l'épaule vers les avocats... lesquels vous poussent également vers des constats (ou des expertises) ça va avec, quant aux experts, certains mettent des mois, après une visite rapide dans mètre ni viseur, pour rédiger un rapport qui ne veut strictement rien dire sauf son prix, 3000 €...

Et parfois, malgré tout, justice est rendue. Et ça, c'est un exploit en effet. Quel homme ou femme sans instruction peut espérer y avoir accès s'il n'a pas des moyens conséquents, ce qui en général ne va pas avec? La question est là : compliquée intentionnellement, faite pour les riches ou ceux qui peuvent s'adapter à ses arcanes, quelles que soient l'éthique et la conscience professionnelle des magistrats, elle favorise de fait les nantis et décourage et dégoûte les autres. C'est ainsi dans certaines régions que des margoulins règnent et leurs victimes se laissent exploiter sans mot dire.

Le lendemain, à 9 heures pétantes, vous croisez sur le parvis l'avocat de la partie adverse souriant et élégant qui vous annonce que l'affaire sera renvoyée car il n'a pas pu préparer le dossier. L'assignation était pourtant identique à celle que vous lui aviez envoyée quinze jours auparavant mais c'est la procédure. Lui s'en va aussitôt, pas vous qui devez attendre l'appel des cas jusqu'au vôtre. Pas longtemps, une heure ou deux seulement. Mais vous n'aurez pas à repayer une troisième fois une assignation.
http://ledroitdetravers.blogspot.com

Scènes de la vie ordinaire d'un tribunal de province

Température 30 °environ, le soleil par réverbération droit sur la tête, la chaudière mal réglée (?) la "chaleur animale": mal au crâne toute la journée. Sans doute la juge aussi.

Voici comment fonctionne la Justice du moins dans le Midi. Soit une belle après-midi de presque printemps, dans une chaleur suffocante, apparemment, le réglage de la chaudière, ce n'est pas ça, une jeune juge, sympa certes, 24 ans à vue de nez... qui a en charge 140 affaires.. oui, carrément ! Pour un début de carrière, c'est un début de carrière ! En raison de problèmes de budgets, congés de maternité, départ à la retraite non remplacés etc. Des gens venus de loin, 80 km dans un cas, que le monsieur âgé avait fait en car, il est là depuis le matin et restera jusqu'à 6 h du soir car il n'y a que deux services/jour qui desservent son lieu-dit, et il marche avec des cannes !... Des gens debout, les retardataires car il n'y a pas de place pour tous, qui toute l'après midi attendent, et entendent comme une litanie éprouvante égrener, "affaire Truc contre Machin", quelqu'un s'avance, discours entre la juge, et parfois un avocat, inaudible. Report. Affaire Chose contre la société Arnac, une flopée d'avocats, inaudible. Report..." Des gens de plus en plus épuisés, en nage dans mon cas... qui ne peuvent bouger car on ne sait jamais si on va être "élu" ou non et ça va si vite que certains n'entendent pas.

Ce genre de dysfonctionnement, voulu par le pouvoir actuel, qui exaspère les gens à juste titre mais parfois à mauvais escient contre les juges qui en sont les premières victimes, bénéficient aux favorisés et aux margoulins qui ont pu prendre un avocat (1000 € environ) ne se sont pas déplacés, avertis par lui... voire même ont opté pour jouer la montre dans le cas d'une affaire d'escroquerie contre le vieux monsieur, d'ici trois mois, qui sait, il n'aura peut-être plus la force de se déplacer et de traîner toute la journée en ville... ce genre de dysfonctionnement donc fait que l'injustice perdure, et, même si elle est "réparée" ensuite, le dommage ainsi aggravé sera irrémédiable, et les indemnités, s'il y en a, jamais à la hauteur de celui-ci.

Que des juges consciencieux et accablés par leur charge de travail se suicident (lien) n'a rien d'étonnant. Le procès de Chichi n'est que le haut d'un iceberg médiatisé, forcément, qui cache un socle pharamineux : si j'étais un filou ou plus exactement une filoute, je ne me gênerais pas d'arnaquer des vieux pas trop riches et sans appui, sûre de ma quasi impunité. Que vont-ils faire si le broyeur que je leur ai vendu si cher et que je refuse de leur rembourser est interdit, dangereux et leur a explosé à la figure ou plus exactement au postérieur? Aller chercher un huissier ? Soit. 100 €. Rédiger ? Il est vrai qu'Internet est d'une aide précieuse mais le vieux monsieur ne sait même pas ce que c'est. Il arrive donc que le document soit incomplet ou pire, non "enrôlé" c'est à dire non transmis au greffe du Tribunal, l'huissier ayant compté sur le client qui ignorait qu'il devait le faire... et qu'il faille tout recommencer : encore 100 € ! ou il faut marchander ! n'hésitez pas ! Effectuer toutes les démarches au tribunal ensuite ? Soit : cette ville de province bénéficie de greffiers particulièrement complaisants il est vrai, mais ce n'est pas le cas partout. Puis venir à l'audience, à supposer que vous ayiez été convié à temps. Dans un cas comique, le mien, je fus convoquée le vendredi pour le jeudi...précédent ! Par chance la juge, consciencieuse, avait repéré l'anomalie et renvoyé. Peut-être. Une fois?

Le vieux monsieur, comme tous, attend depuis 3 -6?- mois "son" affaire comme le Jugement dernier, et là, en trois secondes, le verdict est tombé : report. Oui. 2 fois? 3? Déjà je serai loin et ma victime épuisée aura lâché prise. Tranquille, quoi. Cela, oui, est voulu par le pouvoir et je maintiens qu'il n'est pas question ici seulement d'économies mais surtout d'affaiblir et de discréditer un corps qui parfois a su montrer son indépendance, braquant ainsi le vulgum pecus contre ceux qui les défendent, la grève notamment fut parfois, mais pas toujours tout de même, mal perçue : encore des affaires renvoyées, des trajets épuisants, de l'angoisse, "on se moque de nous" etc.. Oui, "on" se moque de nous mais ce ne sont pas les juges, c'est le pouvoir qui veut leur peau (et la nôtre avec, profit et pertes.)

A ce sujet, les consultations gratuites sont, du moins dans ce tribunal-là, une vaste rigolade : il faut arriver le matin à l'aube, avant l'ouverture, impossible si vous n'avez pas de voiture et résidez à un endroit non desservi à ces heures matinales, le magistrat ne pouvant prendre que 15 cas et il y en a 60 ? environ et attendre, dehors cela va sans dire, frisquet quoi ! sans savoir si "on" va pouvoir passer car il y a des affaires prioritaires -à juste titre-... pour enfin voir un avocat qui en quelques minutes, devra lire, comprendre et trouver la solution, une gageure à moins d'un pot d'enfer, si par exemple il travaille justement sur un cas analogue. Tout ce qu'il se borne à faire  en général est de vous indiquer quel tribunal est concerné (ce n'est déjà pas si mal) et où aller chercher les documents à remplir voire, s'il a le temps ou si vous les avez déjà -si  par exemple le greffier vous les a fournis- comment. Malheur à vous si vous ne savez pas vous exprimer synthétiquement et de manière claire et rapide, si vous ne pigez pas au quart de tour ce qu'il vous dit, parfois dans un langage abscons et même sans "abs"! ... et s'il n'est pas vif d'esprit ou a la tête ailleurs suite à une bringue de la veille. Il faut savoir par exemple que, lorsqu'un huissier se déplace, c'est un EXPLOIT (sans rire), que, lorsqu'il amène une lettre ou un constat au Tribunal, il l’enrôle (vouiiii) et que requête "sous la forme" de référé n'est pas du tout du tout pareil que "en" référé etc...

Liens avec les articles du Post






jeudi 19 mai 2011

Abus de pouvoir, concussion, abus de biens sociaux, définitions

A propos de l'affaire Cahuzac (lien)

La concussion est la malversation d'un fonctionnaire qui ordonne de percevoir ou perçoit sciemment des fonds par abus de l'autorité que lui donne sa charge, y compris si le bénéficiaire de ceux-ci n'est pas lui-même personnellement ou administrativement (lien). Cela est compris dans la notion plus vaste d'abus de pouvoir qui est le dépassement des limites légales d'une fonction, c'est à dire le fait de se servir et d'étendre les prérogatives d'une fonction administrative à des fins non prévues par celle-ci. Mais la loi comporte ici une sorte de vide : s'il existe effectivement un "abus de biens sociaux", il faudrait aussi qualifier un "abus de biens publics" qui serait le fait pour un élu, un haut fonctionnaire etc.. de se servir des deniers publics à des fins personnelles directement ou indirectement. 

Des exemples : lorsqu'un élu ordonne de saisir un administré pour des sommes quelconques qu'il sait indues, c'est de l'abus de pouvoir. Lorsque cet ordre survient peu après un litige perso avec celui-ci, c'est aussi de l'abus de pouvoir mais aggravé par l'usage d'une fonction publique à des fins privées. Mais lorsqu'il engage ensuite des fonds publics pour ester contre l'administré avec lequel il est en litige, c'est là qu'il commettrait un abus de biens publics si la notion existait, et c'est le cas le plus fréquent, voir le lien avec agoravox, abus de pouvoir des maires.

mercredi 18 mai 2011

On a coupé le téléphone au tribunal !

Modifié ici

23/04/2011 vues | (lien) 

La justice AVEC avocat et SANS avocat, ça se discute.. 
Burlesque, on a coupé le téléphone au Tribunal pour non paiement, non ce n'est pas un gag! 




Le droit de travers à l'image de ces corons en déshérence (lien)

Oyez oyez, au tribunal d'instance, on a le droit de ne pas être représenté par un avocat.. même comme "demandeur"*, à condition que le litige n'excède pas 4000 E. On peut donc se défendre soi-même... ce qui souvent est mieux, notamment en province. 

Mais.. car il y a un mais, il faut savoir naviguer, les formules de requête doivent être adéquates. O le langage juridique ! Dire que l'on accuse les philosophes ou les médecins de jargonner! Exemple, quand un huissier se déplace, c'est un "exploit" (!) et ce n'est pas gratuit, quand il apporte la lettre au tribunal, il l' "enrôle", lorsqu'un avocat écrit, c'est toujours des "conclusions" et un jugement "sous la forme de référé" n'est pas la même chose qu'un "référé" etc.. Si vous vous trompez, vous êtes fichu. Par chance, les greffier/es sont là, toujours présent/es, eux/elles [car les juges changent tout le temps, ce qui complique, il faut expliquer, re et re.. et on peut s'énerver] et dans ce tribunal du moins, ils vous expliquent sans ménager leur temps. A saluer.

Voilà donc, après un parcours du combattant -presque-, enfin arrivé le jour J. du procès où on va vous rendre justice. Premier épisode : une salle surchauffée où les gens attendent, certains ne peuvent même pas s'asseoir (lien), le ballet des hommes en toge qui bavardent sans trop se gêner, du coup certains n'entendent pas l'appel de leur nom, c'est la confusion, "mais non je ne suis pas absent"... "mais vous n'avez pas répondu"...etc. Et c'est la litanie égrenée, infinie : affaire truc contre bip, REPORT; affaire chose contre bidule, REPORT... On n'entend rien, les avocats viennent auprès du juge, parlent à mi-voix avec elle et entre eux, ça défile. La petite juge a quelque chose comme une pile de 150 dossiers, il lui est impossible de faire mieux que de choisir les plus urgents... Un sur dix ? QUI sera élu? On ne sait donc on reste, priant le ciel d'être parmi les heureux.

Votre partie adverse, finaude, a bien sûr demandé le report... que la juge s'empresse d'accepter, c'est toujours ça gagné, on la comprend. Ça tombe pour le mois et demi-suivant. Une chance, c'aurait pu être pire. Encore un mois et demi donc. Ils ont choisi, eux, un avocat et on les comprend aussi, ils sont mal barrés. Attendre encore... Par parenthèse, votre compte est saisi pour une facture d'eau de 4000 E (lien) [pour deux mois (!)] correspondant à une maison que tout le monde reconnait que vous n'avez jamais habitée. Soit. Re arrive enfin le jour J' où justice va vous être rendue etc... Jour que vous attendez avec impatience depuis un an [car il y a eu plusieurs épisodes avant.] Note, parfois c'est pire, ça peut être 3 voire 4 reports ou plus. Ici nous en sommes seulement à 2 et le délai n'est pas très important entre chacun, il peut être de 3 mois ou plus dans d'autres tribunaux, ce qui porte le jugement à un an, encore n'est ce que la première instance car si votre partie averse fait appel, ça peut aller jusqu'à 2 ans. Pendant ce temps, vous êtes dans la mouise, ce qui vous rend plus difficile de lutter [le stress, les huissiers qui ne sont pas gratuits et les avocats car au tribunal d'appel, il vous en faudra un] tandis que les saisisseurs, eux, mènent leur petit train tranquille. Notons ce paradoxe en cas de vol par exemple ou d'escroquerie: le délinquant profite et s'aide de son forfait pour accabler la victime qu'il a éreintée et celle-ci, fragilisée ne peut se défendre à armes égales avec lui.. provisoirement mais bon.. Et la lenteur même de la justice reliée au manque de moyens ** accentue encore le phénomène.


LE CLASH

Notez que vous avez reçu les "conclusions" de votre partie adverse... la veille au soir, encore vous a-t-il fallu aller les chercher auprès de la police municipale... où, malchance, le policier municipal qui vous avait apporté la convoc était en congé l'après-midi et le seul qui se trouvait dans le bureau, aimable mais surchargé de paperasse savait pas où son collègue l'avait mise... puis, il avait fini par la trouver mais il avait fallu insister. Vous avez donc eu une nuit pour préparer vos "conclusions" (c'est à dire tout bêtement vos réponses à l'avocat) vous n'avez évidemment pas dormi [à cause du stress car ce n'est pas si compliqué]. Chose faite, vous êtes donc au tribunal et attendez. C'est un autre juge, d'un certain âge celui-là [la première était enceinte (?) et doit être en congé] et il a une centaine de dossiers, une paille. Arrive votre tour. Et c'est... le fatidique "report".

La nuit blanche, les propos désobligeants tenus brièvement à votre encontre par l'avocat, le juge qui s'exclame qu' "il n'y a pas d'urgence" puisque vous êtes déjà "saisie" [votre compte est prélevé], autrement dit, au point où vous en êtes, vous pouvez tenir encore deux mois de plus... ou DAVANTAGE ... ça monte en pression.

Vous lui tendez la convocation de votre partie adverse datée et même horodatée du matin même (!) il s'étonne, trouve en effet la démarche inacceptable et contraint le jeune avocat à en convenir, ce que celui-ci fait avec une certaine mauvaise grâce au bout de trois demande, comme si on lui arrachait les... mettons les oreilles. Puis il lui demande si le report lui convient, l'avocat acquiesce, mais souligne qu'il vient de loin et du coup le magistrat l'assure qu'il sera prévenu en cas d'impossibilité pour la prochaine fois (!) afin qu'il ne se dérange pas pour rien.. au cas où l'affaire serait encore renvoyée par lui en raison du trop grand nombre de cas ! Ceci sans un mot pour vous.

Et là, c'est le clash. Vous êtes déjà venue x fois, il y a le passif déjà lourd (lien)... et ce monsieur parce qu'avocat sera, lui, averti, et non vous! lui restera au chaud tandis que vous allez peut-être encore vous déplacer et attendre pour rien etc... Bref, vous vous emballez, soulignant la différence entre la manière dont il traite le justiciable AVEC et SANS avocat... et que la justice n'en sort pas grandie etc... Réponse du juge surchargé : "Allez voir votre député, je ne peux pas faire mieux". A quoi vous rétorquez: "Allez voir votre syndicat" et ça s'emballe, vous sortez tout, l'attente, l'injustice, votre compte saisi, les reports successifs (là, de deux mois et encore rien n'est sûr) qui profitent aux mieux lotis et découragent les pauvres, les mal dégourdis, les ignorants [c'est à dire à peu près tous et surtout les pigeons] d'ester etc.

Au stade où vous êtes, vous vous en fichez , tant pis si vous braquez qui détient votre sort entre ses mains, si vos propos dépassent votre pensée [mais ce n'est pas le cas] si vous le payerez peut-être plus tard, la locomotive est lancée sans freins, vous déballez tout, invoquez l'équité et la justice, tiens, il n'y a plus la Marianne avec sa balance, [le fait est]...
Et là, stupeur, c'est le juge qui s'explique : les restrictions effarantes de budget et de personnel, il a en charge des vacations dans des tribunaux éloignés pour remplacer des absents c'est à dire qu'il doit effectuer sans moyens le travail de deux collègues déjà trop lourd pour un seul plus les trajets, il n'a par exemple pas pu passer un fax hyper urgent à un tribunal... parce qu'on leur avait coupé le téléphone pour non paiement (!)...

Ça en devient burlesque, désopilant... Vous savez cela en effet dans les grandes lignes mais ces détails vous stupéfient comme tous, certains se suicident observez-vous (lien) et lui ajoute qu'il y en a encore eu un autre récemment, vous l'ignorez, apparemment, les suicides de juges ne font plus la une à présent, on compte même le papier et les stylos... Vous partez, en sanglots, il se montre navré et aimable... et vous lui répondez que ce n'est pas grave, c'est moins dramatique que d'autres cas ou par exemple Fukushima. Surréaliste. Il vous promet qu'il n'y aura plus de report la fois prochaine (promesse tenue). Un seul avocat a protesté, les autres n'ont pas bronché -mais il est vrai que le juge s'est in fine plus exprimé que vous.- Encore deux mois, deux mois, à qui cela profite-t-il? 

De fait, même si des juges tentent de le pallier au mieux, structurellement, la justice est faite pour les contrevenants ou délinquants et non pour les victimes. Eux n'en sont souvent pas à leur première, ils savent naviguer et de fait le bénéfice de leurs forfait pendant tout ce temps demeure. 

* Dans un procès, le demandeur est celui qui l'initie (on dit qui "assigne" l'autre) le défendeur, celui qui est assigné.