vendredi 20 mai 2011

Scènes de la vie ordinaire d'un tribunal de province

Température 30 °environ, le soleil par réverbération droit sur la tête, la chaudière mal réglée (?) la "chaleur animale": mal au crâne toute la journée. Sans doute la juge aussi.

Voici comment fonctionne la Justice du moins dans le Midi. Soit une belle après-midi de presque printemps, dans une chaleur suffocante, apparemment, le réglage de la chaudière, ce n'est pas ça, une jeune juge, sympa certes, 24 ans à vue de nez... qui a en charge 140 affaires.. oui, carrément ! Pour un début de carrière, c'est un début de carrière ! En raison de problèmes de budgets, congés de maternité, départ à la retraite non remplacés etc. Des gens venus de loin, 80 km dans un cas, que le monsieur âgé avait fait en car, il est là depuis le matin et restera jusqu'à 6 h du soir car il n'y a que deux services/jour qui desservent son lieu-dit, et il marche avec des cannes !... Des gens debout, les retardataires car il n'y a pas de place pour tous, qui toute l'après midi attendent, et entendent comme une litanie éprouvante égrener, "affaire Truc contre Machin", quelqu'un s'avance, discours entre la juge, et parfois un avocat, inaudible. Report. Affaire Chose contre la société Arnac, une flopée d'avocats, inaudible. Report..." Des gens de plus en plus épuisés, en nage dans mon cas... qui ne peuvent bouger car on ne sait jamais si on va être "élu" ou non et ça va si vite que certains n'entendent pas.

Ce genre de dysfonctionnement, voulu par le pouvoir actuel, qui exaspère les gens à juste titre mais parfois à mauvais escient contre les juges qui en sont les premières victimes, bénéficient aux favorisés et aux margoulins qui ont pu prendre un avocat (1000 € environ) ne se sont pas déplacés, avertis par lui... voire même ont opté pour jouer la montre dans le cas d'une affaire d'escroquerie contre le vieux monsieur, d'ici trois mois, qui sait, il n'aura peut-être plus la force de se déplacer et de traîner toute la journée en ville... ce genre de dysfonctionnement donc fait que l'injustice perdure, et, même si elle est "réparée" ensuite, le dommage ainsi aggravé sera irrémédiable, et les indemnités, s'il y en a, jamais à la hauteur de celui-ci.

Que des juges consciencieux et accablés par leur charge de travail se suicident (lien) n'a rien d'étonnant. Le procès de Chichi n'est que le haut d'un iceberg médiatisé, forcément, qui cache un socle pharamineux : si j'étais un filou ou plus exactement une filoute, je ne me gênerais pas d'arnaquer des vieux pas trop riches et sans appui, sûre de ma quasi impunité. Que vont-ils faire si le broyeur que je leur ai vendu si cher et que je refuse de leur rembourser est interdit, dangereux et leur a explosé à la figure ou plus exactement au postérieur? Aller chercher un huissier ? Soit. 100 €. Rédiger ? Il est vrai qu'Internet est d'une aide précieuse mais le vieux monsieur ne sait même pas ce que c'est. Il arrive donc que le document soit incomplet ou pire, non "enrôlé" c'est à dire non transmis au greffe du Tribunal, l'huissier ayant compté sur le client qui ignorait qu'il devait le faire... et qu'il faille tout recommencer : encore 100 € ! ou il faut marchander ! n'hésitez pas ! Effectuer toutes les démarches au tribunal ensuite ? Soit : cette ville de province bénéficie de greffiers particulièrement complaisants il est vrai, mais ce n'est pas le cas partout. Puis venir à l'audience, à supposer que vous ayiez été convié à temps. Dans un cas comique, le mien, je fus convoquée le vendredi pour le jeudi...précédent ! Par chance la juge, consciencieuse, avait repéré l'anomalie et renvoyé. Peut-être. Une fois?

Le vieux monsieur, comme tous, attend depuis 3 -6?- mois "son" affaire comme le Jugement dernier, et là, en trois secondes, le verdict est tombé : report. Oui. 2 fois? 3? Déjà je serai loin et ma victime épuisée aura lâché prise. Tranquille, quoi. Cela, oui, est voulu par le pouvoir et je maintiens qu'il n'est pas question ici seulement d'économies mais surtout d'affaiblir et de discréditer un corps qui parfois a su montrer son indépendance, braquant ainsi le vulgum pecus contre ceux qui les défendent, la grève notamment fut parfois, mais pas toujours tout de même, mal perçue : encore des affaires renvoyées, des trajets épuisants, de l'angoisse, "on se moque de nous" etc.. Oui, "on" se moque de nous mais ce ne sont pas les juges, c'est le pouvoir qui veut leur peau (et la nôtre avec, profit et pertes.)

A ce sujet, les consultations gratuites sont, du moins dans ce tribunal-là, une vaste rigolade : il faut arriver le matin à l'aube, avant l'ouverture, impossible si vous n'avez pas de voiture et résidez à un endroit non desservi à ces heures matinales, le magistrat ne pouvant prendre que 15 cas et il y en a 60 ? environ et attendre, dehors cela va sans dire, frisquet quoi ! sans savoir si "on" va pouvoir passer car il y a des affaires prioritaires -à juste titre-... pour enfin voir un avocat qui en quelques minutes, devra lire, comprendre et trouver la solution, une gageure à moins d'un pot d'enfer, si par exemple il travaille justement sur un cas analogue. Tout ce qu'il se borne à faire  en général est de vous indiquer quel tribunal est concerné (ce n'est déjà pas si mal) et où aller chercher les documents à remplir voire, s'il a le temps ou si vous les avez déjà -si  par exemple le greffier vous les a fournis- comment. Malheur à vous si vous ne savez pas vous exprimer synthétiquement et de manière claire et rapide, si vous ne pigez pas au quart de tour ce qu'il vous dit, parfois dans un langage abscons et même sans "abs"! ... et s'il n'est pas vif d'esprit ou a la tête ailleurs suite à une bringue de la veille. Il faut savoir par exemple que, lorsqu'un huissier se déplace, c'est un EXPLOIT (sans rire), que, lorsqu'il amène une lettre ou un constat au Tribunal, il l’enrôle (vouiiii) et que requête "sous la forme" de référé n'est pas du tout du tout pareil que "en" référé etc...

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