lundi 25 mars 2013

Lacordaire, entre le fort et le faible... Rousseau




 "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère". (Lacordaire)
"J'ouvre les livres de droit et de morale et j'admire la paix et la justice établies les institutions publiques.. Je sors de la classe et regarde autour de moi, je vois le genre humain écrasé par une poignée d'oppresseurs et partout le fort armé contre le faible du redoutable pouvoir des lois." (Rousseau)
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Cette opposition (apparente) signifie que c'est la loi qui fonde justice ou injustice de toute société. Elle en constitue le socle. Si la loi est juste (dans un système démocratique par exemple) c'est Lacordaire qui a raison. Si elle est injuste, c'est Rousseau. Mais il reste son application.
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La question est qu'elle est les deux : fixe, rigide (ceci est inéluctable) n'envisageant que des cas-types jamais tout à fait adéquats, laissant béants des vides, elle se rétablit certes par la jurisprudence mais souvent tardivement. Si elle est le fait du peuple, et de surcroît du peuple éclairé, elle est en effet garante de notre liberté commune. Si elle est le fait d'un petit groupe ploutocrate (ceci n'est pas inéluctable) elle ne peut que les favoriser et en ce cas promeut, renforce ou crée l'injustice. (Mais elle peut être le fait d'un peuple éclairé et ensuite dévoyée par des élites qui y ont intérêt...) 
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En étudiant le droit, on est surpris en effet de sa logique, mais aussi de son inapplication parfois (s'il n'est question que de matériel, de restrictions de budget etc.. ceci n'est pas inéluctable) .. mais plus grave, de la résignation de ceux dont les droits sont bafoués, qui ne les font pas valoir: au nom de quoi pensent-ils ? Nul n'est censé ignorer la loi? Faux, tout le monde l'ignore (certes compliquée sur la forme, elle est simple et évidente sur le fond) mais la raison supplée: on "sait" que ceci "doit" être interdit (ou permis) car c'est injuste (on suppose la loi juste ce qui grosso modo est exact). Condition nécessaire pour se battre. Savoir que ce que l'on subit est injuste et par conséquent doit être justiciable. Il suffit de chercher l'article ad hoc.
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Tandis que l'in-instruction au contraire fonde l'ignorant à subir. Pire encore : à supposer à force d'habitude que ce qu'il endure doit forcément être juste.. puisqu'il le subit et que rien ne se passe.. sans songer que si "rien ne se passe" c'est justement parce qu'il le subit et ne fait rien et que c'est à lui de faire. [Il attend de l'autre qu'il réagisse à sa place et lui reprochera volontiers de ne pas le faire; chacun faisant de même, rien ne bouge en effet et ce sera de la faute.. du proche, jamais de l'exploiteur.] Ce sont les esclaves qui font les tyrans autant que l'inverse. 
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Pire encore : il peut imaginer et avoir peur de lois inexistantes qui joueraient contre lui. Dans un monde paranoïdant, il n'a même plus la possession de sa raison et demanderait presque l'autorisation de respirer; le cercle est bouclé, sa pusillanimité renforcera encore la position de qui l'opprime  etc.. (La technicité des lois et procédures renforce le phénomène.) 
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Pire encore, sans la raison, les notions morales se dévoient : si le puissant fait ce qu'il veut (de moi) sans que rien ne se passe (donc avec force de loi croit-il), moi aussi je le peux (contre plus faible) : c'est ma "liberté", équivalente à la sienne, un point d'honneur, la "loi". C'est ici que, contre cette pseudo "liberté" (qui n'est que la pâle copie de celle du puissant qui opprime) la loi en effet constitue un rempart libérateur. (Mais dans un système pyramidal où chacun est le pauvre de l'autre, il est probable que l'exploité ne réagira pas davantage que l'exploiteur ne l'a fait pour son propre compte.) 
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C'est pourquoi la loi est à la fois juste mais son application et surtout son usage étant différent (de zéro à l'infini) en fonction des inégalités acquises, elle finit par servir les favorisés.. qui en ont moins besoin que les autres. Mais en ont besoin tout de même. Lacordaire a raison : la liberté (fautivement) conçue comme celle d'opprimer ne peut être vaincue que par la loi qui libère l'opprimé; mais Rousseau n'a pas tort, si en théorie, elle protège le faible, en pratique, la loi peut souvent jouer contre lui.. par sa faute et non celle de la loi. La question est celle de l'éducation du peuple, de la raison et du concept de liberté. Perçue fautivement comme individuelle et égotiste, en effet, elle doit être combattue par la loi, garante de la liberté de tous, seul concept valide de la liberté. Perçue comme celle de tous, la loi en principe, dans un système (réellement, ce qui est déjà une restriction) démocratique ne saurait qu'approuver.
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Cependant, si on invoque volontiers le système, la corruption, l'injustice des puissants, la loi etc.. on envisage rarement celles des opprimés, comme si par un manichéisme simplificateur, victimes, ils devaient nécessairement être exempts de toute in éthique. Or ils constituent souvent le socle même de leur propre oppression et de celle de leurs "collègues" (car consentir à son exploitation c'est consentir à celle de tous) renvoyant la balle dans le camp des "autres" tous "ligués" contre eux.. alors même qu'ils n'ont jamais agi.. ce n'était pas la peine puisque etc.. le chat se mord la queue. En psy on parlerait de syndrome (lien) de Stockholm*.  

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Notons que parfois des professionnels privés du judiciaire (huissiers, avocats, experts etc..) -qui y ont souvent intérêt- renforcent la pusillanimité populaire (de ceux qui subissent des dols de la part de plus forte partie et ont des vellétités d'y réagir) tentant de les décourager -si c'est possible- ou sinon, de complexifier une procédure, les noyant dans un jargon abscons pour les dévaloriser voire les induisant volontairement en erreur. Certains croient ainsi s'attirer les bonnes grâces de ceux auxquels ils ont épargné une procédure hard et gagner ainsi une clientèle plus intéressante que celle d'une gentuzza sans moyens. Pour ce qui est d'établir un ou des constat, un huissier s'exécutera toujours avec plaisir, ça rapporte bien et ne mange pas de pain... mais ensuite, pour envoyer une assignation par exemple à une mairie responsable d'une pollution, c'est une autre paire de manches et parfois cela relève d'une performance, alors même qu'il y est tenu (c'est son job.) Certains vont même jusqu'à refuser, ce qui est totalement illégal.  

mardi 11 décembre 2012

Huissiers, le meilleur et le pire, parfois seulement des facteurs à 100 € la lettre et pas fans de se casser la tête

Soit un quidam ou plus exactement une quidame qui se trouve dans, excusez-moi du peu, la merde jusqu'au cou, ici c'est littéral, mettons que de joyeux lurons lui déversent la leur carrément sur le pif, pas méchamment certes mais leurs chiottes sont "fuyards" comme on dit et... bref tout s'enchaîne... Une quidame qui par malchance n'a pas de fric, juste une petite retraite à même pas un steak pour un DSK ou bitissime quelconque. Et que les joyeux drilles soient de gros propriétaires prospères et connus urbi et orbi.

Mettons que la quidame soit régulière pratique d'un huissier devenu quasi pote qui depuis un an méthodiquement lui établit des constats réguliers bien fichus mais pas gratos pour noter les progrès notables de la merde puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom, car l'affaire dure depuis des mois avec des hauts et des bas en fonction et du temps, de l'état des canalisations et sans doute des intestins ou ripailles des emmerdeurs "qui vont incessamment sous peu faire des travaux"; le matin notamment c'est hard, idem le soir vers 9 heures, bref aux moments où le populo a coutume de chier.. Quant aux mercredis, n'en parlons pas.. Elle range tout ça méthodique on ne sait jamais. Et retient sa respiration.

 Notons qu'à un moment (les fêtes, les familles qui se réunissent ?) tout lâche et elle décide de... de quoi? Un pote ému lui parle de "référé" (un jugement de l'urgence, assez efficace ma foi le plus souvent, qui a l'avantage d'être rapide.. et gratuit, il faut seulement un constat d'huissier). Elle en réfère au "sien". Qui la décourage. Vousfautunnavocat... Car il vousfautdescompétences, les avez-vous? non. Donc vousfautunnavocat car les juges (petit couplet funeste sur les juges) etc... 

[Yenauntrébien.. sis à 20 km et la quidame n'a pas ni bagnole ni fric.] Pour l'aide juridictionnelle il faut 3 mois, un peu longuet. Or un avocat n'est pas nécessaire du moins en ce cas, la loi est en général bien faite.

Temps de téléchargement d'une assignation sur le net : 1 minute. De la compléter : 1 heure. Date du prochain référé : 3 jours. Coût: 0. C'est tout.

Ce type de pression sur des gus déjà un peu courts est fréquent. Et celui qui bénévolement les aide ainsi est en règle générale mal vu, montrant la facilité d'une tâche complexifiée souvent à tort pour le faire raquer; ils lui savonnent volontiers la planche et parfois n'envoient pas (!) [yavéuntruckakképa] de sorte que le quidam/e poireautera en vain au tribunal.. 
* Beaucoup d'huissiers refusent ou ne mettent aucun zèle à aller apporter les assignations lorsqu'elles ne sont pas rédigées par un navocat [il leur faut alors relire, vérifier peut-être et d'autre part, pourvoir en blé à moudre de pseudos collègues navocats génère de beaux renvois d'ascenseur.] De fait, ils sont toujours "surbookés" ou ne peuvent intervenir parce que la partie adverse "adéjàétéleurclient" (impossible à vérifier). C'est cependant une obligation de leur charge et en  cas de refus, il faut appeler le président de l'ordre des huissiers voire carrément le proc [avertir le tribunal qu'il vous est impossible de faire un référé parce qu'AUCUN huissier territorialement compétent n'a voulu se charger d'envoyer] et le plus proche sera "requis" c'est à dire obligé de bouger les pattes, ça peut aller très vite [un quart d'heure.] 

Mais qui le sait? C'est pourquoi le quidam "prend" un navocat "chuisobligésansquoiivapas envoyer mon assignation", ilétrèsbien [c'est Me Rave kimeladit].. et d'ailleurs l'huissier aussi est parfait.. [c'est Me Surave kimeladit] ça tourne rond. 700 Euros ou plus selon l'excellence du compère. Il arrive aussi que le navocat recommande chaudement un expert, céplusur, 1000 E pour re constater mais avec ce coup-ci projet de réfaction. Six mois. 2500 E. Et ça va marcher certes mais vous aurez payé 4000 € pour un acte en principe gratuit. D'autre part, si on ne se sert pas d'une loi, petit à petit, elle risque de tomber en désuétude.

 Note : tous ne sont pas ainsi et il est remarquable que ces détails m'aient été fournis, justement... par une huissière !